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Après les précédents articles en lien avec l’énergie, il est temps pour nous d’expliquer pourquoi c’est un sujet important, qui concerne tout le monde , et non pas seulement quelques ingénieurs dont le rôle est de faire de l’électricité pour que tout le monde puisse aller sur Internet et avoir chaud l’hiver…
Comme indiqué dans le premier article, l’énergie est la grandeur qui caractérise un changement d’état d’un système, et ainsi dans toute action de la vie de tous les jours, dans tout objet, est intervenue une transformation énergétique.
Ça parait idiot, mais rien que d’énoncer ceci équivaut à remettre en question une bonne partie de la théorie économique actuelle :
L’économiste nous dit en effet que l’Économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services. Jusque là on est d’accord, sauf que lui va traduire ceci en :
Capital + Travail dans l’appareil productif donne une production de bien et de services.
Sauf que, physiquement (dans la vraie vie donc…), cela signifie en fait :
Ressources + Énergie dans l’appareil productif donne une production de bien et de services. Le Capital n’est qu’une boucle de rétroaction interne au système productif, constituée des ressources et du travail passés, qui permettent l’activité présente (immeubles de bureaux, machines outils…).
Vous allez dire « Oui mais ça ne marche que pour l’industrie ce schéma : quid de l’économie des services? ». Eh bien c’est la même chose: un super-marché qui ne fait qu’acheter et revendre des biens (ce qui est un service rendu) a besoin d’infrastructures et de gens pour fonctionner. Idem pour les prestations intellectuelles, puisque tout être humain a besoin de se loger, se nourrir, se vêtir, se déplacer, travailler sur un ordinateur… et son appartement, sa nourriture, sa voiture, son ordinateur nécessitent des ressources. Et il ne pourra se les offrir contre ses services que parce que de l’énergie d’origine non humaine est injectée dans le système de manière abondante.
Ainsi, il est illusoire de croire qu’il est possible d’avoir une économie basée uniquement sur les services, comme on a essayé de nous le vendre pour faire passer la pilule des délocalisations dans les années 1990.
J’en entends déjà certain répondre « Oui mais l’économie virtuelle? Avec Internet on peut générer des services sans avoir besoin d’humains! Une croissance infinie de l’économie est donc possible via la virtualisation! ». Eh bien non plus, puisque l’économie numérique c’est des serveurs qui nécessitent des ressources et de l’énergie pour fonctionner : L’écosystème numérique représente quand même environ 10% de la consommation énergétique mondiale.
Évidemment, une fois les arguments rationnels épuisés, les têtus vont dire « Ce n’est qu’une approche différente, ça ne prouve pas que les économistes aient torts. Il n’est d’ailleurs pas possible qu’autant de gens se trompent à notre époque. »
Soit, regardons le schéma de l’économiste et comparons à la situation actuelle : En gros si on avait plein de capitaux, et qu’on fournissait plein de travail, on ferait tourner l’économie à fond et on produirait un max de biens et de services et ça serait l’abondance!
Sauf que les banques centrales prêtent à des taux ridicules (<1%), ce qui signifie que les marchés sont inondés de liquidités et donc que le Capital est disponible en abondance. Quant au travail, nous sommes dans une période de chômage de masse, donc ce ne sont pas les bras qui manquent pour faire avancer les choses.
Bon, une fois que vous êtes convaincus qu’il y a anguille sous roche, voire même mammouth sous gravier, (si vous ne l’êtes pas, n’hésitez pas à donner vos arguments en commentaires), ce qui est intéressant ce sont évidement les implications de ce dernier schéma :
1) La « productivité du travail », c’est essentiellement combien d’énergie pour machines nous avons par bonhomme (désolé, ce n’est pas grâce à vous qui restez tard au boulot) … et le ratio est de 1 pour 200 (en moyenne mondiale) !
Une théorie intéressante est d’ailleurs que l’esclavage n’a été aboli que parce que l’Homme a eu accès à une énergie abondante (à l’époque le charbon avec les machines à vapeur) et donc qu’il n’était plus économiquement intéressant d’avoir des esclaves pour ce qui pouvait être mécanisé… d’où la guerre de Sécession entre les états du Nord industrialisés et les états du Sud dont l’économie était basée sur des activités agricoles nécessitant beaucoup de main d’œuvre (le coton).
2) On en vient au titre de cet article, on peut résumer à une simple équation :
(Je remet le lien vers l’excellent site de JMJ des fois que ça donne envie à certains de creuser plus en détail.)
L’énergie n’est pas un secteur de l’économie comme un autre, mais ce qui permet l’Economie! Et c’est pour ça qu’il s’agit d’un sujet primordial qui impacte directement le quotidien de tout un chacun (et c’est pour ça qu’on vous embête avec ça :-)).
Entre septembre 2003 et juin 2008, les cours du brut ont été multipliés par 5, avec un record historique de plus de 103 dollars en mars 2008. La crise démarre à l’automne 2008. Chacun sait aussi que la crise de 1973 commence par un choc pétrolier, mais rarement ce lien a été fait dans les médias pour celle de 2008.
Dans le long terme, il y a un net ralentissement de la croissance dans les pays développés, ce qu’illustre le tableau qui suit. L’évolution est frappante dans le cas de la France. Les États-Unis, de leur côté, ont pu maintenir un taux de croissance élevé pendant une assez longue période grâce à la financiarisation, mais ont fini par enregistrer à leur tour la nette décélération que l’on retrouve dans la plupart des autres pays développés. Dans les « pays riches », les taux de croissance se réduisent progressivement, décennie après décennie, passant de 6,5% en moyenne dans les années 1960 à 1,8% dans les années 2000.
Taux de croissance annuels moyens du PIB en volume :
France | Etats-Unis | |
1970-1980 | 3,68% | 3,17% |
1980-1990 | 2,38% | 3,33% |
1990-2000 | 1,97% | 3,46% |
2000-2010 | 1,11% | 1,64% |
France : PIB en volume aux prix de l’année précédente chaînés. Source : Insee. Etats-Unis : Indice du PIB en volume (2009 = 100). Source : Bureau of economic analysis.
En clair, c’est la tension sur les approvisionnements énergétiques qui provoque la crise économique : la crise des subprimes ou la crise de la dette n’en sont que des conséquences, de même que les crises qui s’annoncent sur la dette des étudiants (le montant total des prêts étudiants atteint la somme de 1000 milliards de dollars), ou la bulle immobilière chinoise (1 appartement sur 5 vide). Ces évènements complexes sont liés à la financiarisation de l’économie, qui a elle même été une réponse au choc pétrolier de 73 (merci Tatcher et Regan) : Elle a permis la poursuite de la croissance par la dette, repoussant ainsi dans le temps l’échéance d’une remise en question du système actuel. (Pour faire simple, elle a permis d’accélérer et de multiplier les échanges, sans pour autant augmenter la production réelle).
(Pour les motivés qui veulent comprendre le mécanisme de la création monétaire, voici une vidéo très bien faite.)
Sauf qu’un jour les dettes, il faut les payer, et quand on s’aperçoit que personne ne peut payer, c’est la crise. Et quand la dette est passé des ménages aux banques puis aux États… il n’y a plus personne à qui refiler la patate chaude… enfin si, les ménages à nouveau (et oui l’État vit avec nos impôts), et la seule façon d’éviter l’effondrement du système (c’est-à-dire empêcher que les dettes ne valent rien), c’est d’imposer l’austérité. Car oui, l’austérité c’est les gens qui possèdent la dette des autres, qui refusent qu’on leur dise qu’ils possèdent du « rien », et donc qui exigent de pouvoir se servir sur les biens communs (à prix bradés tant qu’on y est).
Voici une courte vidéo hilarante qui illustre bien tout ça via la crise espagnole. La conclusion : nous avons volés nos futurs nous :-D! Ou le retour du boomerang…
Pour ceux qui douteraient encore des liens entre Economie et Energie, voici des graphes qui indiquent l’évolution de la dette de la France et de l’Allemagne, ainsi que l’évolution de la balance commerciale énergétique :Évidemment on ne s’endette pas que pour notre énergie, mais cela correspond aux 3/4 de la dette souveraine… coïncidence? Allons…
D’ailleurs, des chercheurs au FMI commencent à intégrer le lien entre production de pétrole et croissance du PIB et introduisent même la notion d’entropie dans l’économie ! Une petite révolution même s’il leur a fallu le temps et que cela reste encore dans les labos…
Reprenons: la croissance ne reviendra pas, quelles que soient les exhortations de nos responsables politiques.
Pire, les ressources énergétiques étant en raréfaction (voir ici, ou ici), nous allons de fait entrer dans une période de récession chronique : Il va falloir apprendre à vivre avec moins! Sachant que la majorité du monde (les pays en développement) cherchent à vivre mieux, et qu’en plus on va être toujours plus nombreux, ça veut dire que les occidentaux vont devoir apprendre à vivre avec beaucoup moins!
Cet ajustement est inéluctable, à chacun de voir si celui-ci sera ignoré et donc subi (la guerre), ou anticipé et contrôlé (la transition!).
(Dixit un type de Détroit, véritable labo de ce qui attend vraisemblablement l’occident)
Voici d’ailleurs un manifeste intitulé « Dernier appel » qui nous vient d’Espagne, et dont nous partageons l’analyse et la vision.
Dans les prochains articles, il sera enfin question des solutions qui s’offrent à nous! Les constats déprimants ça va un temps mais il ne faut pas se laisser abattre et rapidement se retrousser les manches ^^.