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Bénin, Développement, Energie, Entrepreneuriat social et solidaire, SENS
Petit article pour présenter SENS (Solidarités Entreprises Nord Sud), avec laquelle on part au Bénin en Volontariat de Solidarité Internationale le 1er aout, pour 2 ans.
- SENS
SENS est une entreprise qui a été créée par Michel Pernot du Breuil en 2008: Après 30 ans à travailler dans le développement au Sud, principalement pour le CIDR, il a fait le constat d’un manque de pérennité des programmes mis en place, qui disparaissent dès que l’argent des programmes de développement cesse d’arriver, et/ou qui peinent à se démultiplier.
Son idée a alors été de tenter un développement différent, par la voie entrepreneuriale, pour assurer la pérennité des activités mises en places, puisque l’activité ne serait pas sous perfusion financière des programmes d’aide, mais reposerait sur un entrepreneur local. Évidemment, il ne s’agit pas d’entreprises purement capitalistiques, mais d’entreprises sociales et solidaires, dont l’activité est génératrice d’impacts positifs sur les populations vulnérables. Un compromis donc entre la rigueur d’une gestion entrepreneuriale et la réponse un besoin d’utilité sociale.
SENS n’est elle même pas une entreprise comme les autres puisqu’il s’agit d’une SCIC (Société Coopérative d’intérêt Collectif, statut qui ressemble aux sociétés coopératives SCOP, plus connues) : C’est donc une coopérative, dont des gens désireux de donner du sens à leur argent peuvent devenir actionnaires, mais en donnant aussi de leur temps et de leur personne, en apportant leurs compétences propres pour aider SENS à atteindre son objet social. SENS peut ainsi compter sur une quarantaine de sociétaires aux compétences diverses (Experts du développement, Agronomes, Ingénieurs, Apiculteurs, Financiers, Ressources humaines…) auxquelles le gérant peut faire appel ponctuellement.
Concrètement, SENS participe au développement en appuyant, en Picardie et dans 2 régions du Bénin (Collines et Borghou) des entrepreneurs solidaires sur des secteurs pouvant améliorer les conditions de vie de familles rurales et périurbaines et leur procurer des revenus stables. Ces entrepreneurs créent des circuits courts et équitables entre producteurs, transformateurs et distributeurs, au sein de filières porteuses comme :
- la valorisation des produits agricoles : agriculture familiale, agroalimentaire et agro-santé,
- les énergies renouvelables,
- les matériaux de construction écologiques et locaux.
Une équipe de conseillers SENS accompagne les entrepreneurs solidaires à chaque étape de la vie de l’entreprise : études préalables, montage, implantation et développement des entreprises, évaluation des impacts sur les territoires.
Leurs domaines de compétences sont :
- Marchés, produits & services
- Procès techniques
- Approvisionnements locaux
- Ressources humaines
- Rentabilité
- Organisation – gouvernance
- Le programme B’EST 2012 – 2016 et les entrepreneurs
Nos activités vont s’inscrire dans le programme B’EST – Bénin « Entreprendre Solidaire avec son Territoire » – appuie la création d’un réseau d’entrepreneurs solidaires sur 2 départements du Bénin : Collines et Borghou. Il prévoit de créer 25 entreprises générant 500 emplois équivalents temps plein, et incluant 3000 micro-entreprises dans leur chaine de valeur, en amont (productions rurales familiales) et en aval (transformation/distribution urbaines / jeunes et femmes).
Le groupe Facebook de B’EST et vidéo de présentation de B’EST et de ses impacts attendus sur les territoires (Laissez la musique de cette vidéo tourner pendant la lecture de cet article, elle est top pour se mettre dans l’ambiance béninoise!)
Création d’impacts:
Vidéo d’exemple d’impact sur les populations en amont des producteurs/entrepreneurs
Vidéo de présentation de Bernadette, une des entrepreneurs
- Quelle est notre histoire avec SENS?
En 2008, nous sommes tous les deux à Ingénieurs Sans Frontières de Compiègne, encore étudiants à l’UTC. Nous avons rencontré Jim Esaie Atchikpa, alors maire de la commune de Glazoué, dans les Collines, lors d’un Forum Régional de la Coopération Décentralisée de Picardie. Lui-même étant ami avec Michel. Ils se sont échangé nos numéros au Bénin…et c’est parti pour une mission tripartite, entre la mairie de Glazoué, SENS, et ISF Compiègne! Mission sur la thématique conjointe de la santé et de l’entrepreneuriat social et solidaire.
Malheureusement, M. Atchikpa est décédé en avril, 3 mois avant le départ en mission. Sachant que c’était lui le pivot pro-actif de notre partenariat à Glazoué, nous avons décidé de continuer seuls entre SENS et ISF. S’en sont suivi 6 semaines à Aklamkpa, arrondissement de Glazoué, entre juillet et aout 2008. 6 semaines épiques! Comme nous le disons souvent, nous pourrions écrire un roman sur cette mission ^^. Cela a été notre première approche de l’Afrique, du Bénin, de la Solidarité Internationale, de l’inter-culturalité, des douches au seau, des groupes électrogènes fous, de l’igname pilé et de la pâte de maïs!
Florilège de photos de 2008, avec notamment le fameux tracteur CCA (c’est ça l’Afrique, comme dans Blood Diamond)
Une amitié s’est créée entre nous et Michel, ce qui a fait qu’avec nos premiers salaires de jeunes diplômés, nous avons décidé d’investir dans SENS, en 2010. Nous sommes donc devenus sociétaires, et compte tenu de notre formation d’énergéticiens, nous sommes rentrés dans le vivier de compétences de SENS. Nous sommes donc repartis en mission en 2011 et 2013, sur la thématique de l’énergie. Nous avons également monté des dossiers de financement, proposé des sujets de stage, suivi des stagiaires UTC à distance…nous faisons partie du pôle de compétences Energie de SENS.
En octobre 2013, après un mois complet de road trip en Australie, gros choc en rentrant au boulot. Plus possible de trouver une réponse sensée à la question « pourquoi je fais ça, déjà? quel est le sens de mon travail? pourquoi je ne travaille de manière cohérente avec mon éthique que 15 jours dans l’année? » S’en est suivi la décision de proposer de travailler à temps complet pour SENS à Michel… qui a mordu à l’hameçon! Nous avons donc signé chacun un contrat de Volontariat de Solidarité Internationale, pour 2 ans.
- Concrètement, que va-t-on faire pendant 2 ans au Bénin?
Nous avons 2 missions à mener en parallèle, avec le conseiller Energie déjà présent à SENS Bénin depuis avril 2013, Tony.
Objectif 1: des unités de transformation agro-alimentaires vont être mises en place avec des entrepreneurs locaux sous forme de pépinières urbaines (mutualisation des équipements de production, des ressources, des savoir-faire, des plateformes commerciales…). L’objectif est de définir et mettre en place des solutions technique hybrides aptes à satisfaire à moindre coûts les besoins énergétiques de ces entreprises, prenant en compte des solutions globales intégrant process, équipements, bâtiments, synergies inter-entreprises, business models.
Toute la difficultés consistera à concilier toutes ces contraintes (économiques, organisationnelles, production…) tout en proposant des solutions réellement durables (et ce n’est pas si simple, comme nous l’avons expliqué dans nos articles sur l’énergie ici et là).
Exemple? Bernadette produit du tchoukoutou (bière locale de sorgho malté), elle a donc des besoins en cuisson: la présentation de son entreprise dans le Borghou. Théodore produit de la poudre de moringa (une plante à haute valeur nutritionnelle), il a donc des besoins en séchage: présentation de son entreprise dans le Borghou. S’ ils travaillaient tous les deux sur un même site, avec par exemple de la méthanisation ou de la gazéification de déchets pour répondre à leurs besoins thermiques, cela leur permettrait tout d’abord de mutualiser et donc de réduire les coûts, mais également d’améliorer leur process de production, d’augmenter leur capacité de production, de valoriser des déchets locaux sans valeur marchande, et donc d’augmenter la portée des impacts potentiels de leurs entreprises solidaires.
Ci dessus: un foyer brûlant du biogaz, un gazéifieur alimenté en rafles de maïs et des coques de sésame méthanisables. Photos issues des missions de 2011 et 2013.
Le Royal Tchouk de Bernadette et le moringa de Théodore
Exemple 2? Thomas est le gérant de la société Philéol – Huiles Végétales des Collines: présentation de son entreprise. Son ami Gildas produit des phytosanitaires à partir de l’huile de neem produite par Thomas: présentation de son entreprise. Ils travaillent tous les deux sur le site de la pépinière de Glazoué. Ils ont de sérieux problèmes énergétiques: ils ont besoin notamment de faire tourner des presses électrique pour la production de l’huile. La pépinière est raccordée au réseau national à partir du même disjoncteur qu’une scierie chinoise implantée juste à côté. La scierie ayant des besoins plus important que la pépinière, elle fait disjoncter l’alimentation des 2 sites dès qu’ils se mettent à travailler ensemble. Thomas et Gildas sont donc obligés de travailler la nuit, quand la scierie ne tourne pas. Les salariés des deux entreprises ne sont évidemment pas d’accord, ou réclament des primes de nuit, ce qui impacte très fortement la production et donc les ventes! Il faudra donc trouver une solution pour rendre la pépinière de Glazoué autonome énergétiquement.
La presse de Thomas, et coques et graines de neem.
Objectif 2: mise en place d’un réseau de 10 à 12 entreprises rurales de fourniture d’énergie: identification et sélection des entrepreneurs candidats, formation et accompagnement sur la faisabilité, la mise en place et la gestion de leur entreprise. Identification et formalisation des solutions technique hybrides aptes à satisfaire à moindre coûts aux besoins énergétiques primaires des villages. Tests et modélisation de ces solutions, pour en préparer l’essaimage.
Ces entreprises vendront des services (et non pas directement de l’énergie), tels que la recharge de lampes ou de portables, transformation agroalimentaire, conservation frigorifique… voire même cinéma ou jeux vidéos!
Exemple? Celui très parlant d’Idohou, à Woria dans le Borghou.
Y a-t-il eu des précédents plein d’enseignements? Oui, celui de Gobada, pour lequel Adeline était partie en mission en aout 2013, avec l’inauguration en grandes pompes du site. Celui-ci s’est soldé malheureusement par un échec, permanent ou non, nous verrons bien, dû à un contexte social très complexe à Gobada, et quasiment inextricable. Nous ne l’avons su qu’en mars 2014, mais Gobada fait partie de la liste noire des institutions de micro-crédits au Bénin…c’est dire que pour le coup, nous avons fait une mauvaise pioche!
Voici donc pour nos objectifs professionnels, pour lesquels nous allons travailler avec toute l’équipe SENS.
Coté perso, nous nous intéressons à l’apiculture locale avec Alphonse et Ruches de Collines (certains d’entre vous ont déjà gouté les fameux petits pots de miels de neem, cajou et cosso!)
Alphonse devant ses filtres miel/cire
Nous souhaitons terminer/modifier notre éolienne + alternateur pour aller vers plus d’indépendance énergétique des habitats (les coupures d’électricité sont monnaies courantes là-bas!), nous voulons avoir un petit potager avec des synergies entre cultures (pour changer de la pâte de maïs de temps en temps…), tester l’auto-construction de manière plus poussée qu’avec notre chantier participatif, tester la récupération d’eau de pluie, se mettre à la conception de notre futur habitat qui sera…quelque part, surprise pour dans deux ans? Nous voulons aussi étudier la mise en place d’une Fablab à Cotonou…suite au prochain épisode!
Et finalement, un peu de pub (ben quoi? Si on ne le fait pas là… ^^) : Si vous aussi vous êtes en quête de sens, n’hésitez pas à rejoindre l’aventure pour apporter votre pierre! Pour faire votre part du colibri C’est par là!